Presse

La culture arabe en trois temps à l’Unesco

L’Orient Le Jour, 23 janvier 2009

La culture arabe en trois temps à l’Unesco

Par Bahjat Rizk

Bahjat Rizk est attaché culturel du Liban auprès de l’Unesco. Également essayiste, il est notamment l’auteur de L’Identité pluriculturelle libanaise : pour un véritable dialogue entre les cultures (paru en 2002 aux éditions IDLivre, collection Esquilles) et d’un recueil d’articles intitulé Le pluralisme libanais dans l’identité et le système politique.

Le siège de l’Unesco à Paris a vécu durant trois soirées consécutives à l’heure de la culture arabe à travers trois manifestations couvrant le Liban, le Maroc et la Palestine. Sans vouloir les comparer car chacune relève d’un contexte et d’une logique qui lui sont propres, il est intéressant de les rapprocher (unité du temps et de l’espace).

Tout d’abord, le 25 novembre, à l’occasion de la 65e fête nationale et du 125e anniversaire de la naissance de Gibran Khalil Gibran, la délégation du Liban a parrainé un spectacle de chants et de danses autour de Gibran, organisé par l’Union libanaise culturelle mondiale. Nicole Mouradian a opté pour une mise en scène dynamique qui faisait se succéder, parfois de manière impromptue, plusieurs artistes français et libanais réunis, chacun dans son art, pour un hommage autour de Gibran. Le public, nombreux (plus de 1 000 personnes), a pu (re)découvrir et ovationner : la merveilleuse Patricia Atallah avec la chorale de Notre-Dame du Liban, la chorale des enfants de la maison Saint-Charbel à Suresnes […] ; une création quasi onirique du compositeur inspiré Jamal Aboul Hosn (venu spécialement avec sa troupe du Liban) faisant évoluer sur scène des danseurs animant les toiles de Gibran reproduites sur grand écran, et nous plongeant dans le vertige spirituel et charnel de son monde contrasté, produit par la violence des passions, mais pacifié par l’amour universel. Le chanteur Francis Lalanne et l’animateur Patrice Laffont ont généreusement et grandement contribué à cette soirée par la maîtrise de leur art et leur engagement pour le Liban. La révélation inattendue de cette soirée a été l’humoriste très vivant Yass (Libanais du Sénégal), qui, avec beaucoup d’audace, de talent et de vivacité, a pu introduire des moments de tendre ironie et de complicité critique vis-à-vis de ses compatriotes, décrivant leurs travers et les faisant rire d’eux-mêmes.

Certes, tous ces talents se sont exprimés chacun selon ses dons, mais même si le fil conducteur n’était pas clairement établi, cette démarche saccadée et éclatée autour de Gibran était à la fois une prière qui lui était adressée et une illustration libre de sa pensée. Même si les frontières dans l’adaptation subjective et l’interprétation sont souvent floues quand on change de registre. Cela relève de la dynamique artistique. D’une certaine manière, le Liban, à travers cette soirée variée, se regardait vivre, mais était également confronté, tel à travers un kaléidoscope, à ses multiples facettes.

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